Article du Figaro

MÉTIER RARE

Éric BITOUN
Salvateur de choc

Réalisateur de documentaires, ce passionné d’art et d’histoire a une marotte : le rachat de marques oubliées comme le Chocolat Idéal dont il a relancé la production.

Eric Bitoun est une sorte de chineur des limbes qui aime s’aventurer là où sont tapies dans l’oubli de vieilles marques françaises.

Pour le producteur de Skopia, tout a commencé derrière la caméra avec la réalisation d’une série de documentaires sur Le Chocolat Menier, Poulain, Banania, Lu, Dim, Chanel… Maisons qui ont parfois changé de mains, mais sont restées dans la lumière. « J’aime ces marques qui ont fait partie du quotidien, du paysage, comme la tour Eiffel pour les Parisiens, confie-t-il. Reflets d’une époque, de la société, de ses modes de consommation, elles participent à leur manière à la représentation du passé. » Passionné d’histoire et d’art, l’homme ne se résout pas à voir disparaître cette mémoire patrimoniale. Les films sont de précieux témoins, mais, il veut aller

plus loin en relançant des productions abandonnées, parfois depuis des siècles. L’univers gourmand l’attire plus particulièrement avec le rachat des pastilles du Dr L. Guyot, puis des Confitures Bannier. En 2015, son entrée au club des Croqueurs de chocolat oriente sa curiosité vers une maison de poudre de cacao qui a eu le bon goût de solliciter Alfons Mucha pour réaliser, en 1897, son affiche publicitaire.

LE TALENT DE GILLES CRESNO

« Le Chocolat Idéal a été créé après la chute de Napoléon III pour séduire la clientèle française qui se retrouvait allemande après l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, rappellet-il. Après le traité de Versailles, en 1919, la marque qui était la propriété de la Compagnie Française des Chocolats et des Thés fondée par les

frères Pelletier, est peu à peu tombée dans l’oubli. » Plus d’un siècle plus tard, elle renaît dans les rayons de La Maison Plisson, de l’Épicerie l’Idéale, à Marseille… Trois tablettes, au lait-Gianduja, praliné amande-noisette, Équilibre Idéal Noir, sont fabriquées par le talentueux Gilles Cresno. C’est gourmand, très bon. « Ça coûte plus que ça ne rapporte, avoue Éric Bitoun, mais c’est presque devenu une responsabilité de continuer. » Prochaine étape ? Réimprimer les anciennes images chromolithographiées réalisées vers 1900 pour l’exposition universelle de Paris. « Elles illustrent de façon très naïve et folklorique, les régions de France. Je trouve émouvant qu’elles aient été manipulées, sans doute méritées par les écoliers de cette époque. » Nostalgie quand tu nous tiens !

Laurence Haloche